Les 1ères Assises Territoriales du Travail Social de Guadeloupe, St Barthélémy & St Martin, co-pilotées par le Conseil Général et la DJSCS : « Le monde bouge, le Travail Social doit bouger avec » le bilan de cette journée…
Posté sur juin 29, 2014 par koezyon-glob.fr en Actions collectives, Actualités à la une // 6 Commentaires
C’est avec un esprit d’humilité que Mme Monik MERION a ouvert les Premières Assises Territoriales du Travail Social en Guadeloupe, saluant au passage la mémoire de Mme Meri ELISEE, grande pionnière du Social, et aussi en souhaitant la bienvenue à tous ceux qui étaient présents en qualité de Travailleurs Sociaux (TS). Mme MERION rappelle comment les repères sociaux de la Guadeloupe se sont transformés rapidement. Nous sommes passés à un mode de vie basé sur la consommation, où les travailleurs sociaux sont confrontés au quotidien à des publics nouveaux et des problématiques nouvelles qui frappent les familles. L’heure était à se demander quelle est actuellement la place des travailleurs sociaux dans la société et leur utilité face à cette crise sociale généralisée.
Les résultats des groupes de travail, lors des ateliers préparatoires s’étant déroulés sur chaque territoire intercommunal effectué en co-pilotage, ont mis en exergue un profond malaise des travailleurs sociaux, pris en otage entre un public exigeant, de plus en plus informé sur ses droits, et des institutions dont les moyens se font de plus en plus réduits. Les travailleurs sociaux subissent progressivement une perte des valeurs du métier, souffrent d’isolement professionnel face à un manque de moyens (financiers et humains), un manque d’outils d’intervention et à un manque de formation continue. Malgré tout ils doivent apporter des réponses aux usagers au quotidien.
Les principales problématiques exprimées et recensées lors des rencontres par territoire.
Problématiques sociales |
Problématiques dans la profession |
Familles éclatéesMonoparentalitéViolences familiales
Carences éducatives Enfant en danger Fugues Déviances Déscolarisation précoce Inoccupation des jeunes Fermetures de centres d’aide Menaces Violences sexuelles Echecs scolaires Délinquance Jeunes mères Grossesses précoces en augmentation Gestion du budget Isolement Souffrance psychique Insularité – double insularité Chômage Précarité installée – Pauvreté Question du logement inadapté Tissu social dégradé du fait de l’immigration Perte de confiance dans les institutions Risque d’implosion sociale
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« on bricole au quotidien », la débrouille… « on travaille avec rien »Manque de moyens et de tempsPénurie de professionnels
Dispositifs inadaptés Intervention dans l’urgence, pas le temps d’organiser le travail Lenteur des réponses (ex : signalements) Sentiment de ne pas être crédible Epuisement au travail Isolement Souffrance psychique Désolation face aux usagers qui connaissent leurs droits et qui sont exigeants Se plaignent d’être les pompiers de la société Le risque devient un élément du métier Interviennent sur des questions auxquelles ils n’ont as reçu de formations nécessaires (psychologique, économique, etc.) Situation de schizophrènés face aux usagers Pas le temps de mettre en place des partenariats Parcours du combattant pour travailler en réseau : pas de lieu de rencontre, les professionnels ne se connaissent pas, etc.) Manque de coordination des services du médico-social Travail cloisonné Instrumentation gestionnaire (causes : LOLF, RGPP, etc.)…impact sur les TS Souffrance au travail non entendue Beaucoup d’instabilité des équipes dirigeantes Mutation du travail social Sortir l’usager de la dépendance et de l’assistanat
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Les propositions et perspectives évoquées.
Préconisations |
Perspectives |
Recrutement de professionnels (éducs spé, jeune enfant, etc.)Le volet préventif doit être mis en avantDonner davantage de moyens financiers
Trouver du sens à leur travail Adapter la formation continue au contexte du terrain Etude sociologique et anthropologique de la population, de notre milieu dans la formation des jeunes TS Formaliser les procédures Désigner un référent par institution Travailler en partenariat Elaboration d’un répertoire social recensant l’ensemble des TS pour une bonne orientation Créer des institutions professionnelles pour les jeunes Création de résidences sociales Logements avec survivance de jardins créoles
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Avoir la foi, de la volonté dans le Travail SocialRenforcer le dynamisme et l’implication des TSMutualiser les moyens pour l’efficacité des réponses
Trouver des moyens pour penser le travail Réponses adaptées à la réalité du territoire Sélection des candidats face à la complexité des problématiques des usagers Coordination des parcours Ne plus penser le Social comme un coût, l’envisager comme un levier de changement Intelligence collective Réfléchir sur l’identité professionnelle Trouver l’équilibre entre ISAP et ISIC Trouver l’équilibre dans l’apport juridique dans le droit des usagers L’efficacité passe par la rencontre entre le politique et les acteurs de terrain Définir le rôle du CCAS dans l’intercommunalité Rendre digne la profession de TS Trouver l’équilibre entre les droits et les devoirs des usagers Que ces assises ne soient pas une grande messe de plus Le changement et la cohésion sociale… |
L’analyse des experts
« Les réformes ont l’objectif de rechercher deux éléments essentiels : l’efficacité gestionnaire ; la démocratie et la proximité » Selon Julien MERION la question sociale, au cœur de cette recomposition territoriale, se pose eu égard aux différents projets qui sont en train d’être élaborés. Le Social a été le domaine emblématique de la décentralisation, tout d’abord en 1982, puis au fur et à mesure de ces transferts. Il est incontestable que c’est le domaine où l’Etat a su réaménager son rapport avec les territoires, un rapport entre le centre et les périphéries. Cette logique a amené à un rebouclage de l’Etat, à une redéfinition de l’émergence, de la conduite des politiques publiques, avec en parallèle cette idée de co-pilotage et de partenariat. La question de la recomposition territoriale se pose dans des termes différents dans les régions ultrapériphériques et fait appel à d’autres types de problématiques (évoquées plus haut). Selon M. MERION, il y a deux questions essentielles en perspective : comment domicilier au mieux la décision politique, où elle est le plus efficace ? La deuxième question est celle de sa légitimité : qu’est-ce qui rend légitime une décision et permet dans la nouvelle architecture institutionnelle proposée de mettre en perspective le rapport nouveau que le citoyen exige avec la mise en place et le déroulement des politiques publiques ? La quatrième idée, selon lui, qui en perspective ramène les travailleurs sociaux, en ce moment, est de savoir quels sont les lieux de décision. La recomposition territoriale nous conduit vers une simplification du « mille-feuille administratif institutionnel ». Depuis le rapport Mauroy de 2000, le Département serait devenu obsolète, or le Département est le siège même de l’Action sociale. Donc il va falloir répartir évidemment, réorienter en termes de décision et de gestion cette Action Sociale. La question nouvelle de l’intercommunalité intervient. Quelle place occupera t- elle dans la redéfinition et comment les régions vont-elles se positionner par rapport à cette nouvelle dimension que reprend la recomposition territoriale ? De plus, il y a également une autre dimension, qui dans nos régions prend un relief particulier, c’est celle de la capacité des collectivités à intervenir au-delà des frontières qui sont leurs et notamment dans le domaine de ce qu’on a appelé depuis 1992, la coopération décentralisée. Julien MERION conclut ses propos en évoquant l’ouverture. Il pense qu’aujourd’hui on ne peut pas penser le Social avec uniquement une approche centrée exclusivement sur la problématique telle qu’elle se pose dans notre pays. Il faut être capable, dans le cadre de ce qu’on appelle la diplomatie territoriale, d’être en mesure d’ouvrir des horizons nouveaux.
« La demande de moyens financiers est logique, est légitime, parce que ce n’est pas normal que nous soyons département français et que nous soyons vraiment au-deçà d’une réalité sociale qui n’est pas digne d’un peuple ». Selon Mme Hélène MIGEREL, la formation ne suffit pas, la réalité est sur le terrain. Pour elle, des questions alors s’imposent. Quelle représentation sociale que l’exclu a de lui-même aujourd’hui ? Quelle représentation l’exclu et l’usager ont de l’intervenant social ? Quelle représentation l’intervenant social a des usagers et de l’exclu ? Elle pense que les travailleurs sociaux font avec les moyens du bord et le font bien. Pourtant aujourd’hui la demande a pris une autre tournure, forçant les travailleurs sociaux a ne plus être uniquement que des pourvoyeurs de finances, confrontés à la demande d’urgence immédiate avec beaucoup d’agressivité, de personnes se sentant comme des ayants droit. Ces personnes ont des droits effectivement mais cela ne leur donne pas non plus le droit de les revendiquer de façon si violente envers des personnes qui font un métier, le plus souvent bien. Par ailleurs, les travailleurs sociaux sont aussi confrontés à de nouveaux usagers qui n’ont pas uniquement cette demande financière, mais qui sont dans une souffrance sociale, pouvant générée une souffrance psychique. Quand les individus se trouvent dans ce que la sociologie nomme la « désaffiliation », c’est-à-dire sans famille, sans liens professionnels, sans liens amicaux, ce sont des gens qui sont complètement perdus, dans une société où la solidarité était encore vivace il y a encore peu de temps. Pour Hélène MIGEREL, l’intervenant social aujourd’hui se trouve inévitablement dans une posture de médiation. Les travailleurs sociaux font les tampons entre les usagers et les institutions qui fonctionnent avec des normes qui ne correspondent pas de façon idoine aux besoins exprimés par les usagers. Cette représentation met à mal le travail social et les travailleurs sociaux.
« La prise en compte des milieux : on aurait pu penser qu’elle aurait eu une destinée exemplaire, il n’en a rien été dans la mesure où dès la fin de la décennie 70, la dynamique économique en panne imposait de mettre en place la rationalisation des courbes budgétaires… limitant par voie de conséquence l’adéquation entre l’Intervention Sociale et nature du milieu » Selon M. Albert FLAGIE, en Guadeloupe, nous ne pouvons faire l’impasse de la connaissance du milieu. Le plus grand des paradoxes c’est l’application des textes relatifs à l’intervention sociale qui se heurte à une méconnaissance de notre dimension sociologique et anthropologique. Pour lui, faire référence à la famille monoparentale appauvrit la densité historique de la famille matrifocale. Il ne s’agit pas uniquement de comptabiliser des ménages, mais de comptabiliser des valeurs et des relations. Or la relation suppose une maîtrise de la sociologie du milieu et de l’anthropologie de la société. Avec la montée des différents dispositifs qui existent, on a le sentiment que tout le monde est en mesure de faire de l’intervention sociale. Selon M. FLAGIE, « le drame est que si certainement tout le monde peut faire de l’Intervention Sociale, l’Intervention Sociale n’est pas faite pour tout le monde ». Et encore moins pour ceux qui pensent être guadeloupéen donc qui connaissent le pays et qui n’ont aucune idée de l’ensemble de la construction de la société guadeloupéenne. Il rappelle à toutes les formations en devenir la nécessité de revenir à l’essentiel, à l’immédiat, c’est-à-dire à la réalité du milieu. Quand on va commencer à raisonner en termes de territoire, il va bien falloir donner, au-delà du discours identitaire, une réalité concrète sociologique, au Nord Grande-Terre, au Nord Basse-Terre, par exemple. Il poursuit. Dans le contexte politique, si nous pouvons difficilement faire l’impasse de la dimension nationale des diplômes, nous pouvons par contre largement apporter un plus régional aux formations qui existent et qu’elles soient directement en rapport avec nos préoccupations. Au final, M. FLAGIE ne conteste pas le diplôme, il dit simplement qu’il y a autre chose à ajouter que le référentiel national n’a pas pris en compte (même si la place est laissée aux disciplines de connaissances générales comme la sociologie et l’anthropologie) : c’est la dimension régionale. (voir vidéo extrait du discours Albert FLAGIE sur notre page Facebook koezyon-glob)
Une professionnelle retraitée a vivement déclaré, propos ayant eu force de conclusion, qu’ « il faut sortir du maintien dans la dépendance, il faut arrêter de gérer la dépendance, il faut trouver des moyens de sortie, il ne faut pas avaliser cela. Pour cela, il faut de la volonté », faisant référence à un Monsieur en situation de handicap venu faire son témoignage auparavant, et qui souhaite contribuer, participer au projet de notre société, aussi petitement que possible. Elle enchaîne pour terminer : « Redonnons de la dignité à notre société, faisons de chacun, qu’il soit dans la rue, qu’il soit n’importe où, un citoyen égal en droits mais aussi en devoirs ». Bel espoir de changement pour une société en marche et en recherche d’elle-même, une recherche que même le peu de politiques ayant répondu à l’invitation pour ses Assises Territoriales du Travail Social, ont davantage les mots pour le dire que les actes pour agir.
Koezyon-glob.fr
Donnez-nous vos impressions…
Je vis dans l’hexagone et je vous remercie koezyon glob de faire ce travail pour la profession et pour la société guadeloupéenne. Loin de chez moi le Guadeloupe, j’entends aux infos tous les jours parler de violences, de crimes, de choses et d’autres, et quand on se rend compte que le président du conseil général qui s’occupe de l’action sociale n’était même pas présent cela démontre parfaitement que ces gens là ne veulent pas travailler efficacement pour l’avenir de la Guadeloupe. Je lance donc un appel aux citoyens de faire très attention pour qui vous apportez votre vote, il s’agit de votre avenir, celui de vos enfants et celui de votre pays. Gros bisous à vous.
Un bilan a été fait de ces assises jeudi. En tant que travailleur social, je vous livre mon bilan. Dans 1er temps le social n’intéresse personne, surtout pas les hommes politiques. Pourquoi je vous dis cela? Le président du Conseil Général, chef de file de l’Action Sociale, n’a pas daigné assisté ne serait-ce qu’à la synthèse des travaux….il était empêché. M. LUREL, qui paie des fortunes pour des formations du social…..empêché, ainsi de suite. Saluons notre préfète ainsi que M. BERNIER qui ont su donner toute sa valeur à cette rencontre.
2ème point dans mon bilan, je n’ai pas entendu de propositions fortes quand au travail social en Guadeloupe, tenant compte du contexte et de l’environnement de notre archipel.
Enfin dernier point, je n’ai pas ressenti, malgré ce grand rassemblement que les travailleurs sociaux constituaient une corporation,un corps de métier. Ce n’est que mon bilan…..
je partage le point de vue de ass97, sauf sur un point. je m’explique. c’est vrai les politiques n’ont pas de courage pour faire face aux questions qui portent sur le devenir de notre société ; de plus ils savent très bien que les travailleurs sociaux en Guadeloupe sont plongés dans une léthargie très profonde, n’ouvrant un œil que lorsque l’on touche à leur portefeuille ; par contre M. Flagie a parlé d’intégrer dans les formations du social une dimension régionale, sociologique et anthropologique plus importante. les principales écoles de travail social étaient présentes, en espérant qu’elles aient entendu le message…
j’étais présent à ces assises et j’ai eu l’impression de déjà vu : les politiques, dès qu’il s’agit de réflexion sur la société, sont toujours absents, occupés, ont une réunion, etc ; le déroulement de ces assises donnait l’impression d’une grande messe ; le public présent manœuvré à croire que les choses vont bouger et grâce à ceux qui…ceux qui bien sûr n’aboutissent pas en cohésion à établir un projet de société…alors le changement pour la profession des travailleurs sociaux…en plus de leur absence…on peut toujours s’assoir dessus…
de rien
Merci beaucoup pour ce post!