Le secret professionnel et le travail social séminaire organisé par le CR-OIH le 4 juillet 2016 (la synthèse)
Posté sur juillet 13, 2016 par koezyon-glob.fr en Actions collectives, Méthodologies, Participation citoyenne, Politiques sociales, Référentiel // 1 Commentaire
Autant de termes évoquant la restriction du dire dans différents métiers. Pour l’occasion, il s’agissait d’amener une réflexion sur le secret professionnel en travail social particulièrement. Tout cela a été décortiqué lors du séminaire du lundi 4 juillet 2016 organisé par le CR-OIH (le Centre de Ressources-Observatoire des Inadaptations et du Handicap).
Précisons avant tout qu’il s’agissait d’une deuxième édition, la première ayant connu un vif succès, c’était le 22 juin 2016[1], beaucoup n’ont pu y participer, faute de places.
Nombre de professionnels de différentes institutions avaient fait le déplacement dans l’objectif d’affiner leur positionnement quant au secret professionnel, à savoir son sens, son application, ses limites.
Le premier intervenant, Georges JETIL, chargé de mission à l’OIH, a fait la lumière sur les différents termes rattachés à la profession et cela sur un angle juridique. Sa première affirmation est celle-ci : « Le seul professionnel du social tenu au secret professionnel est l’assistant de service social (art. 226-13 du code pénal) ». Il s’agit pour le professionnel d’une interdiction de divulguer une information confiée, devinée ou entendue.
Or dans le cadre de sa profession, l’assistant de service social est amené à partager avec d’autres professionnels des informations.
D’où la question, que peut-il partager ? Avec qui ?
En plus de la loi, la profession d’assistant de service social à sa déontologie, autant de paramètres dont devront tenir compte ces professionnels pour leur positionnement.
La loi ne précise pas quelles sont les informations tenues par le secret professionnel.
Pour nous aider à nous positionner plusieurs éléments nous ont été cités :
– l’article 9 du code civil dit que toute personne a droit au respect de sa vie privée
– la charte des droits de l’homme va dans le même sens.
– une jurisprudence d’importance datant de décembre 1885 montre que tout ce qui touche à la vie privée d’une personne peut avoir un caractère secret : vie de famille, santé, vie sexuelle, vie sentimentale, conviction religieuse, patrimoine, etc.
En cas de litige, c’est donc le juge qui décidera si oui ou non nous avons franchi la ligne rouge quant au secret professionnel.
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a introduit l’information « à caractère confidentiel ».
Cette notion créée pour faciliter les échanges d’informations dans le cadre du CLSPD[2] peut être un piège pour l’assistant de service social qui doit se rappeler qu’il est soumis au secret professionnel.
M. JETIL nous a donné des précisions sur d’autres expressions voisines qu’il nous faut différencier.
Obligation de confidentialité…
Il s’agit pour le professionnel de respecter l’individu et de ne pas trahir la confidentialité des entretiens. Le code déontologique de L’ANAS[3] (1945) dans son article 3 rappelle l’établissement d’une relation professionnelle basée sur la confiance avec l’usager. Car l’assistant de service social est un confident nécessaire.
Nulle écoute sans confiance, nul accompagnement sans confiance. L’usager se confie à nous car en toute confiance, donc il nous faut le protéger ainsi que les informations confiées.
La discrétion professionnelle…
Concerne notre obligation de protéger l’institution à laquelle nous appartenons en ne divulguant pas les informations relatives à son fonctionnement.
Obligation de réserve…
Dans son expression orale et écrite, le fonctionnaire doit faire preuve de réserve et de mesure dans l’expression de ses opinions personnelles.
Le dernier point et non des moindres abordés par M. JETIL a concerné le partage des infos avec sa hiérarchie. Deux cas se posent : l’un ou cette hiérarchie est elle-même soumise au secret professionnel et l’autre où elle ne l’est pas.
Dans le premier cas, seules les informations si elles sont utiles à l’usager et nécessaire à l’action entreprise sera partagée, l’usager étant évidemment informée de cette démarche.
Si le supérieur hiérarchique n’est pas soumis au secret professionnel, il ne peut contraindre un assistant de service social à lui donner une information en sa possession. Les fichiers de nos usagers sont protégés par la loi.
Une précaution consiste à détruire nos notes personnelles et garder que les renseignements jugés généraux.
Donc en final que peut-on partager ?
Pour le savoir, il faut se poser les questions suivantes :
Quel est l’objet du partage ?
A quoi servira-t-il ? Et avec quel objectif ?
A qui les informations seront-elles transmises ?
Comment les informations sont-elles transmises ? (si c’est par fichiers électroniques, rappelons-nous qu’elles peuvent être stockées dans la mémoire de l’ordinateur, être consultées par quelqu’un d’autre et divulguées).
L’usager est-il informé et est-il d’accord pour ce partage ?
Autant de questions qui devraient nous guider dans la prise de décision du partage des informations. M. JETIL termine par une citation : « Nous sommes maîtres de ce qu’on ne dit pas, mais esclaves de ce qu’on dit». A méditer…
L’intervenante suivante Mme DACALOR intervient dans un cadre juridique du travail social.
Elle a tout d’abord rappelé que le secret professionnel est une contrainte de taille au regard de la profession d’assistant de service social.
Cependant la loi permet que ce secret soit levé, notamment dans des cas de maltraitance (art 226-14 du code pénal).
L’autre notion évoquée par madame DACALOR est celle du secret partagé venu avec la loi sur la protection de l’enfance, qui amène le professionnel dans le cadre de la cellule de recueil d’informations préoccupantes est amené à partager des informations.
Elle a rappelé que le bénéficiaire est au centre de l’action, il a le droit à l’information sur ce qui est écrit sur lui. Donc ce que nous écrivons doit être accessible à la compréhension de l’usager.
Ayons toujours des dossiers avec des éléments objectifs, clairs et synthétiques et détruisons nos notes personnelles, pour ne pas porter préjudice à l’usager.
Apres quelques exemples pratiques concernant les psychologues, présentés par Mme POPOTTE, psychologue, la parole a été donnée à M. Raymond OTTO socio-anthropologue.
Le fait que la Guadeloupe soit un petit département, où en définitive tout le monde se connait, cela peut-il être problématique dans le partage de données à caractère confidentiel ? Dans le cadre du secret professionnel, n’est-ce pas une difficulté, un obstacle ?
Monsieur OTTO a rappelé ce cadre géographique étroit dans lequel nous travaillons quotidiennement et qui fait que tout le monde connait tout le monde. Concernant la notion de secret professionnel, dès le début, il posait déjà le principe qu’il ne peut être partagé, sinon le cadre du travail est violé. Or nous sommes amenés à travailler de manière globale avec l’usager.
Revenant sur les différents cadres du partage du secret évoqué par les autres intervenants, Raymond OTTO a su insisté surtout sur les sources d’informations, rattachées à nos contrées et mœurs.
Une remarquable approche anthropologique nous a permis de comprendre qu’il n’est pas rare sous nos territoires que le « radio bwa patate » permet au professionnel de recueillir des informations.
Ces dernières recueillies dans le cadre informel et pas toujours fiable, lui permettront-elles de rester neutre et objectif dans ses rapports avec l’usager ?
Il conclut de belles façons en nous rappelant que toute situation doit être analysée selon nos références culturelles. Beaucoup d’informations données pollueront notre analyse, et nous basculerons davantage dans « le voyeurisme social » que dans la collecte d’informations nécessaires et objectives.
Koezyon-Glob.fr
………………………………………………………………………………………………………………………………..
[1] A noter : un complément du premier séminaire sera disponible prochainement.
[2] Conseil Local de Sécurité de Prévention de la Délinquance
[3] Association Nationale des Assistant de Service Social
la « radio bwa patate » peut être à double tranchant effectivement si certains s’en servent pour diffamer l’autre. Mais il permet aussi de collecter des infos de qualité que l’on n’aura jamais de façon officielle. Cette forme d’information existe sachons bien l’utiliser